Exécution de Louis Drouin et Marcel Numa le 12 novembre 1964

Témoignage du Père Ménard (CONFESSEUR de drouin et numa)

Monsieur le Directeur,
Je viens de voir le livre que vous avez édité : « MOURIR POUR HAÏTI » La Résistance à la Dictature en 1964. Je l’ai parcouru et lu en partie.

Je me permets de vous donner des précisions concernant ce que vous écrivez à la page 64, sous la photo « Louis Drouin Jr refuse la confession,.. ».

Je suis le Père Michel MENARD, le prêtre en soutane blanche qui est devant Louis Drouin sur cette photo. Je puis vous affirmer que Louis Drouin et Marcel Numa n’ont pas refusé la confession. En effet, voici exactement ce qui s’est passé.
J’étais alors vicaire à la Cathédrale de Port-au-Prince, le seul étranger. La veille de l’exécution le Secrétaire particulier de Duvalier est venu au presbytère et a demandé à me rencontrer. Il m’a annoncé que le Président m’avait choisi pour voir les condamnés avant leur exécution le lendemain. J’ai demandé à aller les rencontrer tout de suite, car je devinais qu’on voulait faire un spectacle pour l’étranger et en faveur du président. Cela m’a été refusé.

Le lendemain, je suis allé très tôt au lieu de l’exécution, voulant rencontrer Drouin et Numa dès leur arrivée et avant que télé et photographes n’interviennent. Dès qu’ils sont descendus des jeeps qui les amenaient je suis allé vers eux. Le premier était Drouin, les mains liées derrière le dos. Reculant devant lui qui avançait, j’ai parlé avec lui et lui ai donné l’absolution. Ensuite j’ai fait la même chose avec Numa. Puis, je suis parti, ne voulant pas qu’on m’utilise pour la propagande. Je n’étais pas encore arrivé au presbytère de la Cathédrale qu’une voiture, toute sirène hurlante m’a dépassé. J’ai été reconnu et la voiture s’est arrêtée. Le chef militaire m’a dit que les condamnés me demandaient. J’ai précisé que je les avais vus. Le chef a insisté me disant que Drouin et Numa voulaient absolument me parler. Je suis donc reparti avec eux. 

Lorsque je suis arrivé près du lieu d’exécution la foule était immense, avec de très nombreux enfants des écoles. J’ai été conduit près de Numa et Drouin. Je suis passé devant chacun à qui j’ai demandé s’il m’avait demandé et avait besoin de moi. L’un et l’autre m’ont dit non en faisant le signe "non" de la tête. C’est ce signe "non" de la tête qui a été interprété qu’ils ne voulaient pas du prêtre. C’est donc une fausse interprétation. 

Je me permets de vous donner ces précisions pour que vous en teniez compte dans une prochaine édition. Je vous remercie d’avance.
Avec mes respectueuses salutations.

Père Michel Ménard