Deux élèves du Centre d'Études Secondaires ont disparu - FEVRIER 1962 - FEVRIER 1963

Des jeunes osaient rêver d'une autre Haïti.

THIMOLÉON INNOCENT
Originaire du Cap-Haïtien, jeune frère du leader fignoliste réputé, Luc B Innocent, pour qui le jeune Thimoléon affichait la plus grande admiration. Le lycéen manifestait dès la classe de quatrième (actuellement la 9ème année fondamentale) son intérêt pour la politique et encourageait vivement ses camarades à suivre le mouvement de grève lancé en 1960 contre la dictature naissante de F. Duvalier. Il reçut très jeune une balle au pied qui le laissa boiteux.

Chassé de son école au Cap, officiellement pour "activités subversives" Thimoléon vint continuer ses études au Centre d'Etudes Secondaires à Port-au-Prince. En 1962 il avait 18 ans et préparait son Bac. Il était connu pour son intelligence et sa verve facile. Il fut surnommé « Thimoléon le Poète » pour l’éloquence indignée avec laquelle il dénonçait les abus du pouvoir, prise de position déjà fatale à de nombreux fignolistes. Il partageait volontiers ses idées avec d'autres lycéens, parmi lesquels des fils et filles de duvaliéristes. Un petit nombre en faisait un insolent, " frékan" d’après eux. D’autres même en admirant son courage de dire tout haut ce qui le révoltait, préféraient pudiquement le qualificatif « d’original ». Mais, ses amis reconnaissaient unanimement l’homme et son courage d’afficher et de défendre ses convictions, "sé yon gason vanyan" disaient-ils.

La répression duvaliériste s'amplifiait de plus en plus à travers le pays et les milieux estudiantins n'étaient guère épargnés.
Un jour Thimoléon ne se présenta pas à l'école. Il avait été arrêté, ses camarades le croyaient "disparu".
Coup de théâtre trois semaines après, il revint au Centre d’Etudes flanqué d'un " garde du corps" qui le surveillait de près, s'assurant qu'il suivait ses cours malgré les plaies nombreuses qui recouvraient son jeune corps. Pour tous, le message de la machine répressive était on ne peut plus clair!

Une vingtaine de jours plus tard, Thimoléon était au cinéma Rex, les valets du régime procédaient à une rafle de jeunes. Thimoléon et quelques camarades sont invités par le fils d’un diplomate étranger ‘’ami d’Haïti’’, à monter au bar situé à l’étage. Depuis, on n'a plus eu de traces ni de nouvelles d’eux. Combien étaient-ils ? Qui étaient-ils ? Ils sont tous rentrés dans l’éternité sans laisser leur nom à part Thimoléon Innocent, élève de rhétorique au Centre d’Etudes Secondaires.

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YVON PIVERGER
A 19 ans en 1963, il faisait la Philo au Centre d’Etudes Secondaires. Comme Thimoléon, il était poète, beau parleur, dynamique, fougueux et désireux de voir l’émergence d’une autre Haïti.
Leslie Péan, lui a ainsi dédié son ouvrage "Entre savoir et démocratie"
''A Yvon Piverger, frère consanguin, dont la fulgurance à 19 ans laisse une sève d'éternité'' 
Dans ce livre Péan révèle :
''Yvon PIVERGER se voulait un aiguillon, un écho pour réveiller les consciences qui dorment, une preuve voyante de la résistance qui refuse de céder à l'imposture …
Yvon et ses amis protestaient contre F. Duvalier qui s'accrochait au pouvoir en n'organisant pas les élections présidentielles du 15 février 1963, comme le prévoyait la Constitution. Il fallait donc distribuer des tracts et écrire à bas Duvalier sur les murs de la ville afin de combattre cette politique qui oblige la population à se soumettre, qui force les citoyens à avoir peur et à se parler par signes…
Il fut arrêté et incarcéré mais continua 
d' exprimer sa passion pour la démocratie. Sa mère Hernanie Piverger, arrêtée le même soir, fut maltraitée et on l'obligea à assister aux séances de tortures de son fils et de ses jeunes amis… ‘’

À tous ces lycéens inconnus, morts pour La Patrie
A Thimoléon Innocent, à Yvon Piverger,

HONNEUR-RESPECT